Cadre juridique et réglementaire
Extraits du mémoire de fin d'études de Bastien BRUCHHAUSER

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Les fondements législatifs de l'action de Dom'épi
De nombreuses loi ont permis au secteur social et médico-social de devenir ce qu'il est aujourd'hui. Il est apparu nécessaire de centrer la réflexion sur les textes qui ont profondément bouleversé les fondements des services à la personne et la considération des personnes en situation de fragilité.
La LOI n°75-534 du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées, qui est un texte fondateur de la politique française du handicap et de l'action sociale, a marqué la première grande reconnaissance des droits des personnes en situation de handicap en France.
La LOI n°75-534 de 1975 reconnaît les droits fondamentaux des personnes handicapées et organise leur accès à l'éducation, à l'emploi et à une vie digne. Elle est immédiatement accompagnée par une réforme des Etablissements et Services Sociaux et Médico-Sociaux (ESSMS) par la LOI n°75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales. Définissant les catégories d'établissements, les procédures d'autorisation et de financement ainsi que les conditions d'accueil et d'accompagnement.
Remplaçant et modernisant celles de 1975, la LOI n°2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale est venue mettre l'accent sur l'autonomie, les droits et la participation des usagers. C'est depuis cette dernière que chaque établissement se doit d'avoir 7 outils : le livret d'accueil, la charte des droits et libertés, le règlement de fonctionnement, le contrat de séjour ou le document individuel de prise en charge, le conseil de vie sociale (CVS), le projet d'établissement ou de service et faire appel à la personne qualifiée. Par là-même, des nouvelles procédures d'évaluations internes et externes sont introduites.
La LOI n°2002-2 met l'usager au centre de tout projet d'ESSMS. Chaque établissement s'engage au respect de la dignité, de la vie privée, de l'intimité et de l'autonomie du bénéficiaire tout en le rendant véritablement acteur de son parcours accompagné. L'objectif visé étant l'amélioration de la qualité des prestations fournies.
Toutes les lois qui suivront viennent renforcer la vision de la « 2002-2 ». Par exemple, la LOI n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées6 a permis des avancées significatives en matière de droits et d'inclusion des personnes handicapées. D'abord en redéfinissant le terme handicap :
« Constitue un handicap, toute limitation d'activité ou restriction à la vie subie par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive, d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant. »
Ici, le handicap prend en compte l’interaction entre les limitations d'activité d'une personne et les obstacles environnementaux ou sociaux. La question centrale de l'accessibilité de tous les lieux publics, des transports, des systèmes d'information et de communication se pose pour garantir une participation sans faille des personnes en situation de handicap à la vie de la communauté. Cette question renvoie également au droit à la compensation des conséquences du handicap.
L'année 2005 a été un temps clef. En effet, à la précédente, s'ajoute la LOI n° 2005-841 du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale8. Cette dernière visait à développer, structurer et professionnaliser les services à la personne avec notamment la création de l'agrément, du chèque emploi service universel (CESU) et des avantages fiscaux (crédit ou réduction d'impôt) pour les particuliers recourant à ces services (éléments qui seront développés ultérieurement avec les réglementations et les financements).
Dix ans plus tard, la LOI n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement s'impose comme un nouveau texte pilier des ESSMS. L'optique du vieillissement de la population française inquiète et appelle les institutions à agir pour prévenir la perte d'autonomie d'une part grandissante de personnes âgées. Ainsi, pour anticiper la chose, des plans de prévention et de lutte contre l'isolement des personnes âgées et de soutien aux proches aidants ; désormais reconnus pour leur rôle ; sont désormais encouragés. Les politiques de l'habitat sont modernisées et mieux adaptées pour permettre une plus longue autonomie au domicile des personnes fragiles.
Aspect différent mais non moins important, le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) arrive en France avec la LOI n° 2018-493 du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles. Cette loi a eu un impact important sur les ESSMS car ces derniers manipulent quotidiennement des données dites sensibles. Responsables de ces informations et de leur traitement, les établissements doivent en garantir la sécurité et la confidentialité.
Plus tard, le plan « Ma Santé 2022 » prend sens avec la LOI n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé. Au-delà d'une restructuration globale du système, les ESSMS voient apparaître un référentiel national d'évaluation confié à la Haute Autorité de Santé pour améliorer encore et toujours leur qualité d'accompagnement. Aussi, la loi encourage les ESSMS à intégrer des parcours de soins territoriaux (participation à des Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS) ou des Dispositifs d'Appui à la Coordination (DAC)). Le souhait est, une nouvelle fois, de renforcer la professionnalisation et le pilotage des établissements. Ce plan vise enfin les outils numériques de santé avec le Dossier Médical Partagé (DMP), des outils de télémédecine et télésoin et intègre des ESSMS dans le Ségur numérique. Les établissements doivent se moderniser et former les équipes aux nouveaux outils.
Les lois du 7 août 2020 LOI organique n° 2020-99112 et LOI n° 2020-99213 relatives à la dette sociale et à l'autonomie réforment la politique publique de l'autonomie en France, renforcent une nouvelle fois les exigences de qualité et de coordination. Les financements eux, sont censés être mieux ciblés, grâce notamment au nouveau pilotage réalisé par la Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie (CNSA).
Arrive la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 et son article 4414 qui vise à réformer les services à domicile en instaurant la création des SAD fusionnant les SAAD, SSIAD et SPASAD. L'objectif étant de favoriser le maintien à domicile des personnes en perte d'autonomie en simplifiant l'offre de services et en améliorant leur coordination.
Enfin, la LOI n° 2024-317 du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l'autonomie15 vise à améliorer l'accompagnement des personnes âgées et en situation de handicap tout en renforçant les ESSMS, notamment les services d'aide à domicile, reconnus pour leur rôle dans le maintien de l'autonomie et avec une volonté politique annoncée de soutien des professionnels du domaine en matière de formation.
Le cadre législatif fixant les grandes orientations de la politique de l'autonomie, il convient désormais d'examiner les dispositions réglementaires qui précisent, organisent et rendent opérationnelles ces orientations sur le terrain.
Les dispositifs réglementaires encadrant les pratiques
Les bases posées par le législatif, l'aspect réglementaire vient profondément codifier les pratiques professionnelles et ce, pour les encadrer afin d'éviter les dérives, assurer la sécurité des bénéficiaires et harmoniser les services sur l'ensemble du territoire pour réduire les disparités. Des décrets viennent donc poser les cadres réglementaires des lois.
Décret n° 2023-608 du 13 juillet 2023 relatif aux services autonomie à domicile mentionnés à l'article L. 313-1-3 du code de l'action sociale et des familles et aux services d'aide et d'accompagnement à domicile relevant des 1° et 16° du I de l'article L. 312-1 du même code.
Il définit le cadre réglementaire des nouveaux Services Autonomie à Domicile (SAD) qui remplacent toutes les autres structures. Le SAD doit répondre lui-même à l'ensemble des besoins d'accompagnement en matière d'aide et de soins. Visant une meilleure coordination entre les professionnels de l'aide et du soin tout en simplifiant les démarches, les nouveaux SAD sont composés en deux catégories différentes : des SAD mixtes, dispensant de l'aide et du soin et des SAD aide ne dispensant que de l'aide.
Publics, missions, objectifs et principes organisationnels/fonctionnels sont définis par le décret qui composent un cahier des charges national et obligent les SAD à se mettre en règle et modifier leur cahier des charges avant le 30 juin 2025 pour les SAAD et SPASAD et le 31 décembre 2025 pour les SSIAD devant fusionner avec un service à domicile.
Les SAD ne s'adressent qu'à des personnes âgées de 60 ans et plus en perte d'autonomie ou malades, des personnes en situation de handicap ou encore des personnes de moins de 60 ans atteintes de pathologies chroniques ou d'affections mentionnées aux 3° et 4° de l'article L.322-3 du code de la sécurité sociale.
Ils ont pour missions de prévenir, préserver, restaurer et soutenir l'autonomie du public qu'ils aident et accompagnent. Encourager l'insertion sociale et répondre à leurs besoins pour toujours davantage d'inclusion des personnes fragiles de notre société.
Le cahier des charges national lié au décret que doivent respecter les SAD étant conséquent, nous pouvons en condenser le contenu en soulignant qu'il regroupe :
- les modalités d'accueil et d'accompagnement (évaluation des besoins, projet personnalisé et suivi),
- les exigences de qualification et de formation en matière de personnel,
- la coordination des services (mise en place de partenariats, coordination interdisciplinaire, traçabilité des interventions),
- les droits fondamentaux (dignité, liberté d'expression, confidentialité...) et la sécurité des bénéficiaires avec des protocoles de gestion des risques,
- le suivi et l'évaluation des services (évaluations interne et externe),
- les financements publics alloués à travers contrats et conventions,
- les cadres de tarifications selon les besoins des bénéficiaires et les services proposés.
Ce décret introduit également une évolution significative dans le suivi de la qualité des services. Auparavant, l'Etat délivrait un agrément-qualité garantissant le respect du cahier des charges national de l'époque. Cet agrément-qualité a été ouvert aux entreprises privées avec la loi 2002-2. Avec la création de l'ANESM (Agence Nationale de l'Evaluation et de la qualité des établissements et services Sociaux et Médico-sociaux) en 2007, des référentiels qualité fixaient les normes à respecter. Cette mission est passées entre les mains de le HAS à partir de 2018 dont les rôles sont définis par la loi. La HAS resserre encore davantage les référentiels pour encadrer plus strictement les structures et ainsi s'assurer encore davantage du respect des règles de qualités souhaitées.
Avec la réforme introduite par l'article 44 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, le régime d'agrément a été remplacé par un système d'autorisation délivrée par les ARS (Agences Régionales de Santé) pour les SAD mixtes, et les conseils départementaux pour les SAD aides, conformément à l'article L.313-1-3 du Code de l'action sociale et des familles. Aujourd'hui, seuls quelques services comme la garde d'enfants de moins de 3 ans par exemple, relèvent toujours du régime de l'agrément mais toutes les missions d'assistance des publics fragiles sont entrées dans le système de l'autorisation et doivent être fournies au sein d'une offre globale de services.
Pour les éléments numériques des SAD, il est également important de faire mention de la stricte réglementation en termes de traitements et protection des données de l'ensemble des bénéficiaires pour lesquels les structures manipulent des informations sensibles et confidentielles. Le RGPD, entré en vigueur en Europe en 2018 (complété en France par la Loi Informatique et Libertés), réglemente la collecte, le traitement et la gestion des données personnelles afin de garantir les droits des usagers. Les SAD doivent donc respecter les règles du RGPD en désignant notamment un DPD (Délégué à la Protection des Données) chargé de veiller à la conformité des pratiques, de conseiller les professionnels de la structure ainsi que de servir d'interlocuteur de la CNIL (Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés), autorité de régulation française.
Les Recommandations Institutionnelles
Les SAD ne sont uniquement réglementés mais aussi conseillés sur leurs pratiques. Interviennent l'ANACT (Agence Nationale pour l'Amélioration des Conditions de Travail) et sa déclinaison régionale ARACT Hauts de France, l'ARS (Agence Régionale de Santé) et la HAS avec, à travers elle l'ancienne ANESM aujourd'hui DiQASM (Direction de la Qualité de de l'Accompagnement Social et Médico-social).
Ces organisations apportent des éclairages sur certaines conditions de travail et recommandent certaines pratiques.
L'ANACT souhaite améliorer la qualité des conditions de travail, par exemple, par des études autour des RPS (Risques Psycho-Sociaux) en recommandant des outils de gestion des risques et en insistant sur la nécessaire formation des professionnels.
L'ARS recommande une meilleure coordination des acteurs de la santé pour améliorer la prise en charge des situations complexes. L'ARS ; faisant partie du système d'autorisation ; peut apporter un regard sur l'ensemble des ESSMS de son territoire et guider vers des pratiques spécifiques.
L'ancienne ANESM (aujourd'hui DiQASM) réalise des enquêtes, comme celle de 2014 « Bientraitance dans les services intervenant auprès d'un public adulte à domicile ». Cette méthode permet une prise de hauteur sur l'ensemble des structures en place, de partager des procédures ou actions en place qui fonctionnent et d'apporter des conseils sur ce qui pourrait être mis en place pour corriger de potentiels manquements.
Ces recommandations viennent en complément des aspects réglementaires en apportant des solutions pratiques et des idées correctrices pour améliorer la qualité des services et le bien-être des intervenants et bénéficiaires.